La laine des moutaines

Autrefois - on remonte le temps de plusieurs milliers d'années - les moutons sauvages (mouflons) perdaient naturellement leur laine d'hiver, comme la plupart des mammifères le font. Mais l'Homme se mêla de cette affaire-là...

Avec leur domestication, le grand projet était de profiter de toutes les ressources proposées par ce paisible animal : viande, lait puis laine.

Naturellement, le mouflon ne dispose que d'un pelage assez semblable aux chèvres actuelles donc plutôt rêche et peu fourni. Mais en sélectionnant au fil du temps les animaux disposant de plus de duvet - la laine - et de moins en moins de poils, l'Homme crée une race qui possède un pelage laineux poussant quasiment toute l'année au lieu de le perdre quand arrive le redoux du printemps.

1. La Tonte (détail), École de Francesco Bassano (1575) 2. Tapisserie murale, Bruxelles  3. Tondeurs de mouton, J-F Millet (1854)

Plus de laine, c'est tant mieux pour les hommes et les femmes qui la transforment et l'utilisent... mais c'est tant pis pour les animaux qui deviennent alors complétement dépendants de l'Homme pour se débarrasser de cette masse de plusieurs kilos, quand il leur suffisait de se frotter aux roches ou aux buissons pour faire tomber son excédent de pelage le moment venu.

L'actualité nous montre de temps à autre des animaux qui n'ont pas bénéficié de tonte pendant plusieurs années (pour diverses raisons) et le résultat est réellement catastrophique : ne pouvant plus se lever pour se nourrir ou étouffant littéralement sous le poids de la laine qui feutre sur son corps, le mouton meurt, infesté de parasites divers et souffrant d'hyperthermie et autres infections.

Ci-dessous, des exemples d'animaux qui s'étaient échappés de leur élevage et qui ont été retrouvés 5 à 6 ans après (Tasmanie et Australie). Ces animaux - Chris, Baarack, Sheila - ont miraculeusement survécu et ont été débarrassé de 20 à 40 kg de laine.

L'homme a donc la responsabilité de ses choix : il FAUT qu'il tonde ses moutons, pour leur santé et pour leur bien-être.

On le sait, l'industrie de la laine est quasiment à l'arrêt en Europe alors que les troupeaux de moutons sont toujours bien présents. La laine, devenue un déchet, dérange... mais les moutons DOIVENT être tondus.

Début avril (souvenez-vous 😁), j'ai présenté mon activité de filandière en prélude au spectacle présenté par la Compagnie de la Dernière baleine "Tant qu'il y aura des brebis", une mise en scène parlant du métier de tondeur de mouton, invisible et pourtant si présent dans toutes nos campagnes.

Faire appel à un vrai tondeur plutôt que de s'essayer à tondre avec les moyens du bord... juste une évidence quand on veut valoriser la laine.

Le tour de mes chers moutons est venu 🎉

La petite bande a été rassemblée dans le poulailler, proche de la maison, pour éviter à l'équipe de choc de se déplacer jusque la bergerie. Équipe de choc car oui, le tondeur est généralement accompagné d'au moins un "attrapeur" qui amène chaque mouton au tondeur sur son espace de tonte. Donc, un gars qui court dans le calme... ça vaut le coup d’œil 😂

Mes vedettes, Chouchenn et Toby en tête, ont vite senti que quelque chose allait se passer car après être venu s'enquérir auprès des nouveaux arrivants (on ne sait jamais, si par hasard, au cas où... il y aurait quelque chose à manger), ils ne se sont plus trop laissés approcher. Instinct de survie oblige.

Pour Cheyenne (presque 5 mois), c'était bien sûr la première tonte mais ce fut aussi le cas pour Chouchenn, Jean-Claude et Pépette qui étaient encore très jeunes l'année passée à la même époque.

Après quelques émotions, tout le monde était délesté d'une toison qui commençait à tenir trop chaud. On découvre alors un autre mouton, tête énorme, longues pattes, une autre douceur sous la caresse. Et on a un peu de mal à les différencier de loin, du moins pour ce qui est des Avranchins 😂

Mais c'est fait.

Reste plus qu'à trier, laver, carder et filer.

Mais ça... c'est une autre histoire